La chair du monde
Kostianovsky au Musée de la Chasse et de la Nature
Le Musée de la Chasse et de la Nature expose depuis avril dernier le travail d’une sculptrice singulière, en corps à corps avec son matériau de prédilection : le textile. Ces tissus ont été cousus, stratifiés, suturés pour leur donner la forme d’éléments organiques ou botaniques.
Tamara Kostianovsky
« …Tamara Kostianovsky utilise la démarche de l’upcycling pour réécrire l’histoire de textiles gaspillés par l’industrie du prêt-à-porter ou mis au rebut par l’artisanat du luxe. Parfois, il s’agit même de reliques familiales prélevées dans les armoires des êtres qui lui sont chers.
Le travail de la sculptrice tire donc les fils de correspondances inépuisables et, tel l’artisan, elle assemble sur le métier les tissus organiques, végétaux et vestimentaires. Que se passe-t-il sous la peau d’un corps, cette surface sensée hermétiser les rapports entre notre chair et notre environnement ? De cette question découle la profonde affinité entre le travail de l’artiste et les collections artistiques, naturalistes et anthropologiques du Musée de la Chasse et de la Nature.
Armée de son bistouri, Tamara Kostinovsky creuse les chairs pour nous faire assister à ce qui se joue dans les entrailles de ses écorchés de soie, de laine et de coton. Suspendus à des crochets de boucher, ces vanités contemporaines nous séduisent autant qu’elle nous horrifient. Le nom de l’exposition, « La chair du monde », est d’ailleurs emprunté à la philosophie de la corporalité de Maurice Merleau-Ponty, pour qui l’outil principal de notre rapport au monde est notre « corps-connaissant », par lequel s’exerce notre conscience et notre sensibilité. Ainsi, les sculptures « d’abattoir » de Tamara Kostianovsky rappellent que la peau demeure à la fois surface et frontière, et qu’il s’agit de la déshabiller pour travailler la matière même de la mémoire. » – Joséphine Journel
XXX
Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu’ensemble elle avait joint ;
Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D’où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.
Une Charogne, Les Fleurs du Mal
Charles Baudelaire